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Jean-Pierre VOUCHE

ANDRÉ MAC KIBBEN

BORIS CYRULNIK

PRÉFACE DE BORIS CYRULNIK

Dans la relation d’emprise, c’est bien simple : l’un des deux, pour son profit ou son plaisir, néantise le monde mental de l’autre. S’il néantisait le monde physique de l’autre, nous n’aurions pas de peine à nommer « crime » une telle relation. Mais pour le monde mental, il a fallu de longs débats, pour comprendre que la néantisation du monde mental d’un autre est un crime dont il faut analyser les processus de destruction et de reprise de néo-développement résilient, comme l’a fait Jean Pierre Vouche.La violence conjugale n’est pas apparue hier. Elle existe probablement depuis toujours. Mais dans un contexte écologique, social et relationnel où les rapports de violence étaient intenses et quotidiens, la violence conjugale était à peine pensée tant elle paraissait banale. Aujourd’hui nous maitrisons mieux la violence écologique (famines, habitats, épidémies), nous diminuons la violence sociale (meurtres, sécurité dans la rue, combats régionaux et nationaux), nous désirons faire disparaitre la violence conjugale afin d’apprendre à vivre ensemble avec moins de souffrance.Afin de mieux réaliser ce programme Jean Pierre Vouche et son équipe réalisent des investigations cliniques qui révèlent à quel point, une relation d’emprise à laquelle nous attachions peu d’importance jusqu’à maintenant, est en fait une véritable destruction mentale, un meurtre d’âme.L’évaluation épidémiologique me pose un problème. Elle est nécessaire afin d’évaluer l’ampleur du phénomène psycho-social de la maltraitance conjugale, mais elle prend un tel enjeu passionnel que les chiffres des enquêtes sont étonnement variables, selon les méthodes, les pays et les époques (de moins de 1% à plus de 50%). Il est bien évident qu’une telle variation de résultats ne peut être attribuable qu’à une naïveté méthodologique ou à une magouille sexiste tendant à minorer ou à majorer les chiffres.Une enquête réalisée par un questionnaire honnête donne des résultats plus fiables où l’on découvre que les femmes aussi peuvent être violentes. La majorité des femmes battues ne va pas au commissariat. Là encore, les chiffres peuvent être trafiqués mais, dans l’ensemble, je pense que 5% ou 6% des couples sont violents, que les hommes sont responsables de plus trois pour cent des agressions et donc les femmes de moins de deux pour cent. Ces chiffres sont énormes, même s’ils ne correspondent pas à certains délires inflationnistes.Mais, ce qui me parait utile, honnête et nouveau dans ce livre, c’est l’analyse psychologique de la relation d’emprise, et, après de la destruction où les femmes sont majoritaires, J.P. Vouche cherche à comprendre les processus de néo-développement résilient.Dans une attitude intellectuelle ouverte, il nous explique que la relation d’emprise est une perversion où le prédateur ne tient compte que de son seul monde mental, ses pulsions, ses désirs. L’autre, n’existe que sous forme de proie et non pas de personne. Le pervers narcissique n’éprouve pas le plaisir de la transgression puisqu’il n’y a pas de lois qui interdit d’écraser un moustique ou de briser un morceau de bois. L’autre existe à peine, on peut donc la violer, la battre, l’isoler, la réduire en esclavage sans aucune culpabilité.Cette manière de comprendre la perversion explique pourquoi la victime se laisse si souvent dominer. En fait, elle s’attache au pervers qui, comme tout bon chasseur sait ce qu’il doit faire ou dire pour immobiliser sa proie. Traumatisée, hébétée par la violence de l’homme qu’elle aime encore, elle pardonne souvent afin de garder un lien affectueux avec celui qui, auparavant, l’avait séduite. Le prédateur interprète ce désir de maintenir un lien, comme une acceptation de sa violence et c’est ainsi que la relation d’emprise donne aux partenaires de la perversion une illusion de complicité.Une réflexion sur la résilience permet d’affronter cette situation en termes systémiques : évaluer les ressources de la femme blessée après sa dépersonnalisation et contrôler l’agresseur en disposant autour de la victime des tuteurs de reprise d’un développement résilient. En praticien expérimenté Jean Pierre Vouche propose une série de questionnaires et de conduites à tenir. Un dispositif thérapeutique est proposé au lecteur sous forme de conduites d’entretiens et de groupes de parole.De nombreuses illustrations cliniques rendent la lecture de ce livre agréable et permettent d’assimiler sans difficulté l’analyse systémique, nécessaire à la compréhension d’un tel problème.
Ce livre pour praticiens permet enfin de ne plus dénier le phénomène ni de le majorer dans une guerre sexiste, mais au contraire, de le décrire, d’analyser les moyens de destruction de la relation d’emprise et de reprise évolutive résiliente.


POSTFACE DE ANDRÉ MAC KIBBEN

Il serait peut-être plus rassurant de considérer la violence interpersonnelle comme une maladie, de la présenter comme une aberration ou de la situer en marge de l’identité humaine. Mais elle échappe à toute classification médicale ou psychiatrique et son auteur n’en porte pas le diagnostic. Il s’agit avant tout d’un comportement, probablement acquis, qui trouve sa source dans des facteurs aussi bien personnels que sociaux ou environnementaux. Cette problématique complexe renvoie aussi en définitive à la relation de la personne violente avec la victime et, par extension, avec les autres êtres humains.Mes années de pratique auprès d’hommes présentant des comportements violents, particulièrement des crimes à caractère sexuel, m’ont amené à observer que plusieurs de ces crimes sont commis à l’égard des proches et qu’ils s’inscrivent effectivement à l’intérieur de relations d’emprise. Les auteurs de ces actes, pour prendre le contrôle sur l’autre et le réduire au silence, sont capables de dénaturer des relations humaines caractérisées par la confiance et la réciprocité pour les transformer, justement, en relations d’emprise, celle du mari sur sa femme, du père sur ses enfants ou, dans certains cas, du patron sur son employée, du curé sur ses ouailles.
En s’attardant plus spécifiquement aux violences conjugales, Jean-Pierre Vouche trace d’abord un tableau de la nature et de l’ampleur du problème. Il propose aussi des descriptions très justes qui font ressortir l’hétérogénéité des auteurs de violence, la diversité des facteurs impliqués et des motivations qui servent de support au comportement violent. En soulignant la souffrance transmise aux victimes et l’impasse dans laquelle les conduit la personne violente, il révèle l’existence de cette souffrance et du sentiment d’échec chez l’auteur de violence. Le comportement violent apparaît alors dans sa dimension réelle : un mécanisme de défense inadapté, aux conséquences dramatiques pour les victimes, dont la signification profonde échappe le plus souvent à l’auteur. Les violences conjugales s’inscrivant dans un cycle, il démontre aussi l’inefficacité de ce mécanisme qui ne sait apporter qu’un soulagement éphémère, suivi d’une période de culpabilité, prémisse à un nouvel épisode de violence.
En réponse au risque de réitération de la violence, cet ouvrage appelle à la responsabilisation des auteurs de violence et insiste sur le potentiel de réhabilitation qui doit être mobilisé chez ces personnes. Mes trente années de pratique auprès d’auteurs de violence ont aussi été consacrées à faire la promotion du traitement de ces problématiques, en milieu ouvert et fermé, comme une façon humaine, efficace et rentable de réduire le nombre de victimes et de réduire les coûts humains et sociaux associés à ces comportements. Il nous a toujours importé d’aller plus loin que la clinique quotidienne, de dégager un espace scientifique en mettant en place des mécanismes d’observation, de recueil et d’emmagasinage des données et de transmettre l’expertise acquise dans le domaine de l’intervention.
Mais le travail auprès de ces personnes n’est pas une tâche facile et plusieurs facteurs compliquent la tâche des intervenants. Il faut d’abord dire que nous vivons à une époque où un certain pessimisme est professé à l’égard de ces initiatives. Un certain populisme punitif réclame des peines de plus en plus lourdes. Il inspire un État qui jongle avec des mesures de plus en plus restrictives de liberté tandis l’offre de traitement, à partir d’approches traditionnelles, auprès de structures dites perverses, narcissiques ou psychopathiques est souvent décrite comme inefficace et inutile. D’autre part, les intervenants sont confrontés à des personnes dont le principal déficit se situe justement au niveau relationnel et qui ne relâcheront pas facilement leurs besoins d’emprise pour s’engager avec confiance dans un processus authentique de changement. La mise en place d’initiatives thérapeutiques requiert donc beaucoup plus que des explications ou considérations théoriques auxquelles, dans la réalité de l’intervention, ces personnes sont relativement hermétiques. Je salue donc particulièrement dans cet ouvrage le souci de fournir aux cliniciens des outils concrets pour intervenir auprès de ces personnes. Les éléments de l’évaluation initiale, les diverses modalités d’intervention, le contenus des séances, l’évaluation de la qualité de la participation aux groupes, l’évaluation des progrès et des résistances,  le contre-transfert sont quelque-uns des nombreux repères dégagés pour mieux servir de référence aux intervenants.

André Mc Kibben
Criminologue-sexologue
Directeur du programme pour les auteurs d’agression sexuelle
Centre de Santé et de Services Sociaux du Rocher-Percé

"DE L'EMPRISE À LA RÉSILIENCE" DE JEAN-PIERRE VOUCHELES TRAITEMENTS PSYCHOLOGIQUES DES VIOLENCES CONJUGALES : AUTEURS, VICTIMES, ENFANTS EXPOSÉS
                                                                                                                                                                                                                                                                                                           septembre 2009

LES LIVRES


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PRÉFACE DE BORIS CYRULNIK ET POSTFACE DE ANDRÉ MAC KIBBEN

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© JEAN-PIERRE VOUCHE 2006 - 2022

Les Editions Fabert éditent le livre de Jean-Pierre Vouche dans leur collection "Psychologies Créatives". 352 pages. Préface de Boris Cyrulnik. La richesse de son contenu et la clarté de son écriture le destine à devenir un ouvrage de référence, aussi bien auprès des professionnels intervenants sur ces champs traumatiques que des lecteurs interessés par ces questions d'une actualité brûlante.